« Pas de véritable transparence de gestion », « pas d’information objective des citoyens », un pilotage « défaillant » et « imparfait », « faiblesse de la prospective », « des coûts à la hausse et insuffisamment maîtrisés », « une maîtrise difficile par les collectivités de leurs relations avec les prestataires privés »… Le tableau 2011 de la gestion des déchets dressé par la Cour des Comptes est alarmant : il conforte plus que jamais nos demandes en matière de contrôle, de transparence ou d’information des citoyens.
L’explosion des coûts soulignée par le rapport (+6 % par an et augmentation de la taxe d’enlèvement de +60 % entre 2001 et 2008) est en partie liée aux évolutions réglementaires de ces dernières années notamment en matière d’incinération (près d’un milliard d’euros pour la mise aux normes de 2005). Ce que ne dit pas le rapport, c’est que cette fuite en avant perpétuelle dans les mises aux normes (et donc l’augmentation des coûts) n’est pas prête de s’arrêter : les nouveaux contrôles sur les dioxines vont entraîner des augmentations de 2 à 6 euros/tonne et la nouvelle réglementation sur les mâchefers pourrait augmenter de 15 % le prix de l’incinération dans certaines installations. C’est cher payer une dépollution que l’on pourrait éviter en travaillant sur l’amont du problème : la réduction des déchets et le développement des alternatives permettant de limiter le recours à l’incinération et au stockage.
Une raison structurelle et ancienne explique aussi cette augmentation non maîtrisée des coûts : le contrôle par les entreprises privées du secteur public des déchets. Le rapport de la Cour des Comptes mentionne en effet que la plupart des entreprises du secteur sont « des filiales de grands groupes nationaux » (Veolia, Suez, Séché, Tiru - ndlr) et que le secteur manque cruellement de concurrence. De plus, dans le cadre de l’évolution des contrats qui sont signés entre prestataires et collectivités, la Cour souligne que « les avenants sont généralement favorables aux entreprises ». La Cour des Comptes cite comme exemple l’incinérateur de Lunel Viel (34) dont les multiples avenants (une dizaine en 10 ans) ont eu notamment pour conséquence d’alourdir sensiblement la facture du citoyen. Soulignons que l’association locale APPEL, membre du Cniid, avait déjà analysé ces documents et fait les mêmes constats que la Cour des comptes depuis bien longtemps, sans que soit mis fin à ces agissements.
Le rapport souligne également les problèmes de surcapacité des incinérateurs : le développement de la valorisation matière (potentiel souvent sous-estimé par les collectivités) entraine logiquement une diminution des tonnages destinés aux incinérateurs. Le cas de Chambéry Métropole est éloquent : alors que la capacité de la nouvelle usine avait déjà été revue à la baisse par rapport aux prévisions du plan départemental (-21000 tonnes), « l’incinérateur est apparu, contrairement à toutes les attentes, nettement surdimensionné ». Cela confirme le constat déjà dressé par les associations : l’incinération agit comme un aspirateur à déchets et peut dissuader certaines collectivités de s’engager dans des politiques volontaristes de réduction et de recyclage.
Ce rapport illustre à nouveau tout le paradoxe de la gestion des déchets, qui peut rapporter de l’or à certains acteurs mais qui plombe à l’inverse le porte-monnaie des citoyens. Nous savons à qui profite le crime…
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Sébastien Lapeyre