L’incinération est aujourd’hui présentée par ses promoteurs comme un processus de "valorisation énergétique" des déchets permettant de produire une énergie en partie "renouvelable" et ainsi d’économiser des ressources énergétiques fossiles responsables d’émissions de gaz à effet de serre (GES), en particulier du dioxyde de carbone (CO2).
L’incinération repose sur la combustion partielle de déchets en mélange, en présence d’un excès d’air. Pour allumer un four (ou le rallumer suite à une période d’arrête technique), il faut un apport de combustible extérieur, généralement du gaz ou du fioul qui sont issus de ressources fossiles. De plus, les déchets n’ont pas tous le même potentiel de combustion. Ainsi, les biodéchets (déchets de cuisine, de jardin etc.), qui sont composés à 70% d’eau, brûlent très mal. Lorsqu’ils sont trop nombreux dans le four, il est nécessaire soit d’augmenter l’apport en combustible extérieur soit de recourir à plus de déchets de matières plastiques. En effet, ces matériaux issus du pétrole sont parmi les déchets qui brûlent le mieux.
Mais les déchets plastiques sont également ceux dont la combustion produit le plus de CO2 fossile, par opposition au CO2 biogénique. Cette distinction entre carbone fossile et biogénique vient du fait que l’on considère que les incinérateurs brûlent à 50% de la biomasse (biodéchets, carton, papier, bois etc.) dont le carbone est "renouvelable". Les industriels ont réussi à convaincre le législateur qu’étant donné que ce carbone venait de la nature et y retournait sous forme gazeuse, les émissions de CO2 biogénique ne devaient pas être comptabilisées dans les émissions globales du pays. Pourtant, ce sont autant de GES qui viennent réchauffer le climat.
Cette distinction entre la fraction "naturelle" des déchets et les matières fossiles justifie également aux yeux des industriels et du législateur le fait que l’énergie récupérée à l’issue de la combustion de déchets puisse être qualifiée pour moitié d’énergie "renouvelable". Pourtant, cette énergie polluante va à l’encontre des principes du développement durable. Cette qualification abusive permet notamment aux exploitants d’incinérateurs de bénéficier de tarifs de rachat préférentiel pour l’électricité qu’ils produisent et de réduction de Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP). La France comptabilise aussi avantageusement cette énergie faussement renouvelable dans les objectifs qui lui sont fixés par l’Union européenne (20% d’énergies renouvelables d’ici 2020), freinant ainsi le développement des vraies énergies renouvelables.
Actuellement les poubelles des ménages contiennent seulement 9% de déchets qui ne sont ni recyclables, ni réutilisables. Considérant que plus de 30% des déchets ménagers viennent alimenter les fours des incinérateurs, une grande partie de ce qui est brûlé pourrait être recyclée/compostée ou réutilisée/réparée. En détruisant les déchets par le feu, on gaspille les matières premières dont ils sont composés ainsi que l’énergie nécessaires pour les extraire et les transformer en bien de consommation. C’est ce qu’on appelle "l’énergie grise" du déchet, que l’on ne peut se permettre de voir partir en fumée dans un contexte mondial d’épuisement généralisé des ressources naturelles.
Contrairement au discours véhiculé par les exploitants, l’incinération est donc consommatrice de combustible d’origine fossile, fortement émettrice de CO2 et contribue de fait au réchauffement climatique.