Association Cniid - Centre national d’information indépendante sur les déchets - http://cniid.fr

logo du site Accroche
français français
    FaceBook RSS Ver Youtube   
Newsletter Articles Mailing

Incinération et risques sanitaires : molécules coupables non identifiées
Partager cette page


En mars 2008, l’Institut de veille sanitaire (InVS) publiait le rapport définitif de la vaste étude épidémiologique sur l’incidence des cancers à proximité des usines d’incinération ayant fonctionné dans les années 70/80. L’excès de cancers, étudiés sur la période 1990-1999, se révèle « statistiquement significatif » pour un grande nombre d’entre eux (myélomes multiples, sarcomes des tissus mous, lymphomes MNH, cancer du foie, cancer du sein). Face à ces résultats alarmants passés sous silence, le Cniid avait alors alerté l’opinion.

En plus de cette étude, nous attendions toujours celle sur l’imprégnation par les dioxines des populations exposées aux retombées des fumées. L’étude sur les cancers ne permettant pas d’incriminer un polluant en particulier, cette deuxième étude aurait pu apporter des éléments. Les résultats préliminaires avaient été présentés en 2006 mais ne pouvaient en aucun cas se substituer à l’étude complète, celle-ci intégrant en plus des dioxines, l’étude du plomb et du cadmium. Depuis deux ans, la sortie avait été plusieurs fois reportée et le retard pris dans la publication devenait inacceptable. En décembre dernier, le Cniid a mobilisé plusieurs associations de protection de l’environnement (nationales et locales) et du corps médical [1] pour demander aux ministres en charge de la santé et de l’écologie une publication sans délai de cette étude. Après une réponse, le 29 décembre, du chef de cabinet de la Ministre de la santé nous informant que « la version définitive était attendue très prochainement », l’InVS a finalement rendu publique l’étude le 17 février dernier. Il faudra du temps pour étudier ce rapport complexe de 228 pages dans les détails, notamment les hypothèses qui ont été faites et la méthodologie utilisée.

Cette étude n’avait pas pour but d’étudier l’impact des dioxines sur la santé mais d’estimer l’imprégnation des personnes (autrement dit leur « charge corporelle » en dioxine). Les résultats peuvent paraître à priori contradictoires avec l’étude sur les cancers puisque la surimprégnation par les dioxines est en partie minimisée. Certaines catégories de personnes sont toutefois plus exposées : une imprégnation plus forte touche les personnes ayant consommé des produits locaux à proximité des incinérateurs (produits laitiers, oeufs, graisses animales). De plus, la plombémie augmente pour les personnes ayant consommé de la viande (boeuf, veau, agneau), des produits laitiers et des abats. Parmi les choix faits pour l’étude, l’âge des personnes suivies (compris entre 30 et 65 ans) ne permet pas de connaître l’exposition des enfants, catégorie particulièrement sensible à l’imprégnation notamment via le lait maternel.

Trois catégories d’incinérateurs ont été considérées (quatre « petites UIOM ayant pollué », deux « grosses UIOM ayant pollué » et deux « grosses UIOM aux normes »). Il est légitime de se demander si le fait de prendre seulement deux usines censées être aux normes (Bessières et Pluzunet) est représentatif pour pouvoir tirer des conclusions générales sur la situation actuelle. De plus, l’identification des polluants responsables de l’apparition de cancers n’a pas été réalisée et l’imprégnation supposée plus faible en dioxines des populations ne peut être synonyme d’une diminution en parallèle des risques. L’effet cocktail des molécules entre elles n’est pas connu aujourd’hui, notamment le rôle particulier des particules fines et ultrafines. Une analyse récente menée par l’Organisation mondiale de la santé [2] met en avant l’insuffisance des connaissances sur ces polluants et le fait que « l’impact global sur l’environnement et sur la santé humaine par des mécanismes d’action indirects n’a pas encore été évalué ».

En attendant, « l’absence de preuves indiscutables » des effets de l’incinération sur la santé continue de servir de faux prétexte à un déni du principe de précaution.

Cet article est extrait du Cniid-infos n°33 (Mars 2009), un bulletin financé par les adhérents du Cniid et dont ils ont la primeur. Si vous voulez soutenir cette information, adhérez !


[1Agir pour l’environnement, Amis de la Terre, ASEF (Association santé environnement France), AVIC (Association des victimes de l’incinérateur de Cluny), CAPEN 71 (Confédération des associations pour l’environnement et la nature de Saône et Loire), CNMSE (Coordination nationale médicale santé environnement), Coordination nationale pour la réduction des déchets à la source, FSC (Fondation Sciences Citoyennes), MDRGF (Mouvement pour le droit et le respect des générations futures), Serre vivante, WWF France, Ecoforum

[2Effets sur la santé des incinérateurs d’ordures ménagères : résultats d’un groupe de travail d’experts de l’OMS - Francesco Mitis, Marco Martuzzi
Organisation mondiale de la santé, Centre européen de l’environnement et de la santé

JPEG - 4.3 ko
This will be shown to users with no Flash or Javascript.