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Incinérateur d’Echillais : un projet inutile et incompatible avec une démarche Zero Waste
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Le 3 septembre 2014,

En Charente, le SIL (Syndicat Intercommunautaire du Littoral) travaille sur un projet de centre multifilières à Echillais (17) qui comporte un incinérateur et un TMB (tri mécano-biologique). L’objectif est de concentrer en un seul point le traitement des déchets en détruisant deux incinérateurs en fonctionnement (ceux d’Oléron et d’Echillais), augmentant ainsi les capacités d’incinération.
Une réunion d’information organisée par la Préfète est prévue ce jeudi à la Préfecture de Charente Maritime, pour présenter les “dernières avancées relatives au projet”. Les membres de l’association Pays Rochefortais Alert’ y participeront et Zero Waste France suivra de très près les annonces qui y seront faites, compte tenu des derniers événement de fin d’été.

Incertitude sur le dimensionnement du projet d’incinérateur

Après s’être opposée à ce projet en juin dernier [1], La Ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, a en effet annoncé il y a quelques jours à La Rochelle [2] qu’elle avait pris la décision de maintenir, mais de revoir à la baisse le projet d’incinérateur.
Invitant le SIL à présenter sa candidature à l’appel à projet pour des territoires Zéro déchet, zéro gaspillage, elle souhaite inciter à produire moins de déchets ménagers, en “diminuant massivement les déchets à la source” et insiste, à juste titre, sur le tri des déchets fermentescibles (qui représentent en effet un tiers des ordures résiduelles).
Ségolène Royal veut néanmoins faire “avancer” le projet, en le redimensionnant pour qu’il traite “30% de déchets en moins”. Cette réduction de 30% donnerait logiquement lieu à un projet de moins de 60 000 tonnes/an, mais les élus du SIL évoquent toujours le projet initial (85 000 tonnes/an), avec seulement une restriction dans l’arrêté d’exploitation.

Un projet inutile dans le cadre d’une démarche zéro déchet

Sur le territoire du SIL, moins de 75 000 tonnes [3] d’ordures ménagères ont été produites en 2010.
Les perspectives sur les quinze prochaines années combinent deux éléments : les projections de l’évolution démographique et les prévisions de « production » d’ordures ménagères par habitant. Or, tenant compte de ces deux facteurs, les projections départementales fixées par le plan de gestion des déchets fixent une baisse importante de déchets sur l’ensemble du département, passant de 75 000 tonnes à près de 60 000 [4].
En outre, ce projet ne prend pas en compte les améliorations du tri et la prévention des déchets qui pourront être obtenus par une démarche de collectivité “zéro déchets, zéro gaspillage”. En les prenant en compte, le résultat donnerait, selon l’association Pays Rochefortais Alerte, 36 500 tonnes de déchets résiduels [5] dès 2017 sur le territoire concerné, alors que l’incinérateur actuel d’Echillais a lui seul une capacité de 34 000 tonnes/an.
Enfin, l’association indique que si le territoire du SIL atteignait des résultats à la même hauteur que ceux de Capannori [6], une collectivité italienne engagée dans une démarche Zero Waste depuis 2007, il ne produirait plus que 9 272 tonnes de déchets résiduels par an !

L’incinération, un mode de traitement non flexible, incompatible avec la réduction des déchets

On peut constater d’ailleurs que le choix du tout incinération pour traiter les déchets résiduels freine toutes les perspectives de diminution des ordures à traiter.
En effet, ces installations sont prévues pour fonctionner avec un tonnage précis de déchets pendant plusieurs dizaines d’années. Alors que l’on observe depuis plusieurs années une baisse des déchets produits, et si des efforts sont encore réalisés en termes de tri des déchets et de prévention, la quantité de déchets produite va baisser significativement et les installations seront surdimensionnées, présageant des dérives dangereuses pour faire tourner les installations. En effet, il sera alors tentant de faire venir des déchets des territoires voisins, contrairement au principe de proximité, ou bien d’incinérer des déchets potentiellement recyclables ou encore de limiter les efforts de prévention pour alimenter l’installation et respecter d’éventuels contrats d’approvisionnement en énergie.
Enfin, l’incinération ne s’inscrit en aucun cas dans une démarche zéro déchets, ni dans l’économie circulaire, comme le laisse entendre la Ministre. En effet, Ségolène Royal parle d’économie circulaire lorsque “tous les sous-produits” sont des “déchets valorisables” [7], ce qui porte à confusion, car à notre sens, la valorisation des mâchefers par exemple ne s’inscrit pas dans une vraie économie circulaire. Comme le rappelait l’économiste Christian de Perthuis, l’économie circulaire, c’est avant tout “préserver les cycles de la matière” [8], ce qui n’est pas du tout le cas avec l’incinération qui produit des sous produits (mâchefers et Refiom) concentrés en polluants et dont les utilisations sont par conséquent réduites.

Le TMB, un modèle à repenser

Avec la perspective de tri du fermentescible évoquée par Ségolène Royal, le projet de TMB (tri mécano biologique) devrait logiquement être modifié : en effet, la collecte séparée des biodéchets permettrait de traiter ce gisement propre séparément, afin de produire du compost de qualité, utilisable en agriculture. Il serait alors insensé de vouloir produire du compost de moindre qualité à partir d’ordures en mélange.

La conversion de ce projet de TMB en un projet de pré-traitement mécano-biologique (PTMB) pourrait donc être envisagée, avec donc une stabilisation des ordures résiduelles, sans production de compost. Le stabilisat (déchet stabilisé) produit par le PTMB réduit d’un tiers le volume des déchets en sortie, ce qui devrait réduire d’autant plus les capacités d’incinération, car le stabilisat obtenu n’est que très peu combustible (autant brûler de la terre) et pourrait donc être dirigé vers le stockage plutôt que l’incinération. Il resterait la possible extraction par PTMB de combustibles dérivés de déchets (plastiques, papiers et bois broyés), préparés en CSR (Combustibles Solides de Récupération) dont l’incinération pourrait constituer l’exutoire [9], mais ces combustibles n’excéderont pas la moitié des tonnages entrants en PTMB. D’ailleurs, à plus long terme, ces dérivés de déchets combustibles feront partie de la collecte sélective des déchets recyclables et ne se trouveront donc plus dans les ordures résiduelles, grâce à la probable extension des consignes de tri à venir.

Contact : Edouard Van Heeswyck


[374 273 tonnes, selon le PPGDND : Plan de prévention et de gestion des déchets non dangereux (PPGDND) de la Charente-Maritime. Approuvé par arrêté préfectoral en septembre 2013, il fixe les grandes orientations de la prévention et de la gestion des déchets pour les douze ans à l’échelle du département

[4selon le PPGDND

[5Calculé sur la base d’une réduction de 58 % des déchets (moyenne obtenue avec le tri des biodéchets et la mise en place de la redevance incitative, source Ademe).

[6Dont les résultats donnent une réduction de 39 % des déchets en masse et 80% de recyclage.

[8Le capital vert, Christian de Perthuis et Pierre André Jouvet, septembre 2013

[9Ces CSR ne peuvent en réalité être brûlés que dans des fours ayant de fait des caractéristiques proches de celles de fours à ordures ménagères, sources : Ademe, 2008, Process-type de TMB avant mis en décharge

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