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Les limites de l’économie circulaire, ou quand le serpent se mord la queue
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L’économie circulaire consiste à gérer tous les flux, dont les flux de matières et d’énergies, selon des circuits en boucle. L’économie circulaire peut par exemple s’appliquer sur un site où plusieurs industries fonctionnent en synergie, les déchets des uns devenant les ressources des autres, et l’énergie produite par certaines unités étant utilisées par les voisines [1]. Par cette approche, l’Homme tente d’appliquer à ses activités ce qui se produit dans un écosystème naturel.
Peut-on lutter contre l’augmentation des quantités de déchets grâce au modèle de l’économie circulaire ?

Un des symboles de l’économie circulaire est le recyclage. Il permet d’économiser des ressources en utilisant celles qui sont déjà mobilisées dans le circuit de production pour produire des biens neufs. Cette économie de ressources « vierges » évite des émissions de gaz à effet de serre et des consommations énergétiques liées à leur extraction, à leur transformation et à leur transport. A contrario, l’incinération et l’enfouissement, même s’ils permettent de récupérer de l’énergie, répondent à un schéma linéaire dans lequel les ressources extraites puis transformées en bien de consommation sont finalement jetées et brûlées ou enterrées sans réutilisation possible. Le modèle linéaire qui domine actuellement n’est pas viable, ni d’un point de vue environnemental, ni économique sur le long terme. En outre, le recyclage, notamment des matières organiques, est plus pourvoyeur d’emplois que l’incinération ou la mise en décharge. L’économie circulaire apporte donc des bénéfices multiples répondant aux exigences d’un développement durable.

Le recyclage est-il la panacée ?

La facette écolo étant devenue indispensable à toute image de marque, le recyclage est aujourd’hui devenu le pilier de la communication des entreprises qui vendent des biens fortement générateurs de déchets, à l’instar de Nespresso ou Bic, qui ont bâti leurs dernières campagnes publicitaires sur ce sujet [2]. Le message est sensiblement celui-ci : « achetez du jetable, ce n’est pas grave c’est recyclable, la planète vous dit merci ! » Il faut donc veiller à ce que le recyclage ne soit pas transformé en alibi par certaines entreprises pour arrêter tout effort d’innovation dans la réduction des déchets à la source. Par exemple, les sacs en plastique, qui ont aujourd’hui mauvaise presse, sont petit à petit remplacés par des sacs en agroplastique dit « biodégradable ». Pourtant il n’existe pas de filière à l’échelle nationale permettant de les composter. De même, la Ville de Paris avait, dans les débuts de la collecte sélective, proposé aux parisiens de trier les sacs en plastiques pour les recycler, une idée à priori louable. Or le coût de la filière s’est avéré trop élevé et le recyclage a donc été stoppé. Le recyclage nécessite en effet des gisements suffisamment conséquents pour être rentable. Ainsi il faudrait des tonnes et des tonnes de sacs en plastique pour que leur recyclage soit économiquement viable. Dans ce cas, l’option à privilégier est la réduction à la source en supprimant les sacs en plastique et en privilégiant une alternative durable, les sacs réutilisables.

Il est en outre parfois difficile de « boucler la boucle » tout en conservant les bénéfices environnementaux du recyclage. Par exemple une partie des biens matériels utilisés en France est produite en Chine. Ils sont ensuite, lorsque cela est possible, triés en France. Une partie des matériaux triés repart en Chine où ils sont recyclés à moindre coût puis de nouveaux utilisés pour produire des biens qui seront importés de nouveaux en Europe. Si l’économie circulaire s’appuie sur un « cercle » dont le diamètre est de plus de 10 000 km, il faut réfléchir aux moyens de l’améliorer en réduisant les distances d’échange et donc en relocalisant certaines industries et productions à proximité des lieux de consommation.

Enfin, le recyclage n’est pas forcément une boucle étanche. En effet, la plupart des matériaux, lorsqu’ils sont recyclables, ne le sont pas à l’infini. Ainsi, le papier ne peut être recyclé que 3 à 6 fois avant d’être trop dégradé. Les qualités physiques des matériaux sont altérées au fur et à mesure des cycles de recyclage. En outre, 100 % de la matière qui entre dans un procédé de recyclage n’est pas recyclée car il y a ce qu’on pourrait appeler de la « perte en ligne ». La matière qui arrive dans une usine de recyclage subit en général un « sur-tri » visant à ôter les impuretés ou intrus. Ce sur-tri envoie une partie de la matière au rebut, c’est le cas dans les usines de recyclage de verre notamment. Le recyclage n’est donc pas synonyme de zéro déchet.

Si l’économie circulaire, et dans le cas des déchets, le recyclage, ne constitue pas la totalité de la réponse au problème, elle est quand même une pièce maîtresse du puzzle. Une autre pièce est l’économie dite de fonctionnalité. Celle-ci vise à créer de la valeur sur des services rendus plutôt que sur des biens matériels et contribue ainsi à la dématérialisation de l’économie. Nous développerons cette idée dans le prochain Cniid-info.

Le recyclage ne devrait pas servir de prétexte pour demeurer dans une société de surconsommation, en déculpabilisant les uns et les autres par la soi-disant garantie d’une réutilisation des matières constituant les déchets. Les limites exposées dans cet article nous rappellent que la réduction à la source demeure la priorité.

Cet article est extrait du Cniid-infos n°39 (Avril-Juin 2011), un bulletin financé par les adhérents du Cniid et dont ils ont la primeur. Si vous voulez soutenir cette information, adhérez !


[1Lire à ce sujet l’ouvrage de Suren Erkman, Vers une écologie industrielle, comment mettre en pratique le développement durable dans une société hyper-industrielle , éditions Charles Léopold Mayer, 2004, disponible auprès du Cniid.

[2Cf. dépêche AFP du 01/02/2011 sur la mise en place de la filière de recyclage des capsules Nespresso, reprenant la position du Cniid.

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